Sommeil et micronutrition : des liens méconnus
Hygiène du sommeilLes liens entre sommeil et micronutrition sont nombreux et souvent complexes. Il serait bien difficile de tous les approfondir. Cependant, quelques généralités peuvent s’appliquer, en dehors de cas particuliers liés à la personne ou à une pathologie.
Qu’est-ce que la micronutrition ?
La micronutrition étudie l’impact des micronutriments sur la santé et recherche les moyens d’optimiser le statut micronutritionnel. Des outils pour déterminer les différents déséquilibres et y remédier existent et peuvent nettement améliorer tous les aspects de notre santé y compris notre sommeil. A l’inverse, par divers mécanismes, notre sommeil peut avoir un impact important sur notre statut micronutritionnel.
Comment le manque de sommeil pompe-t-il notre énergie ?
Les fonctions du sommeil sont encore peu connues mais une chose est sûre, quand on en manque, on est fatigué, on stresse facilement, on est plus vulnérable. Ainsi pour lutter, notre organisme va puiser dans nos réserves en vitamines et minéraux, comme le magnésium, le fer, nos vitamines antioxydantes. De plus, un manque de sommeil a tendance à nous pousser à manger plus et moins bien. En effet, il existerait des systèmes de production de composés orexinergiques normalement inhibés pendant le sommeil. En cas de privation de sommeil, ces systèmes voient leur activité augmentée. Or, l’un de leurs effets est une prise alimentaire hédonique (pour le plaisir) en plus de la prise normale. Ainsi, l’apport calorique va augmenter avec ce que l’on appelle des calories vides, c’est-à-dire des aliments à pauvre densité nutritionnelle mais très caloriques. S’ensuivent des mécanismes de prise de poids et d’appauvrissement du statut micronutritionnel qui peuvent faire entrer l’organisme dans un cercle vicieux.
Les bons aliments au bon moment
Pour nous endormir, nous avons besoin de sécréter de la mélatonine. Cette hormone (neurotransmetteur) est synthétisée à partir de la sérotonine, une autre hormone elle-même synthétisée à partir d’un acide aminé, le tryptophane, contenu surtout dans les viandes et poissons. Pour que ces mécanismes fonctionnent bien, il faut donc apporter à notre cerveau suffisamment de protéines, mais aussi des éléments indispensables aux mécanismes de production de ces hormones : magnésium et vitamines du groupe B. Dans l’alimentation, on trouve du magnésium surtout dans les légumes, les céréales complètes, les oléagineux et le chocolat noir. Pour les vitamines B, on s’orientera vers les fruits de mer notamment et les légumes-feuilles. Un autre point important est la biodisponibilité du tryptophane. La balance entre protéines et glucides au cours d’un repas va aiguiller le cerveau vers l’une ou l’autre des voies hormonales influant nos chronorythmes : la voie des catécholamines (dopamine et noradrénaline) ou la voie sérotoninergique (sérotonine et mélatonine). Pour orienter notre système nerveux vers la synthèse de sérotonine puis de mélatonine, il faut un repas contenant plus de glucides que de protéines. Ainsi, on conseille souvent de faire le plein de protéines le matin et à midi pour favoriser la voie dopaminergique puis de faire des repas plutôt glucidiques au goûter et le soir pour favoriser la voie sérotoninergique.
Qu’en est-il en cas de pathologies ou de troubles du sommeil ?
La micronutrition va parfois jouer un rôle essentiel dans la régulation des troubles du sommeil. Prenons l’exemple des benzodiazépines. Ce type de médicament, fréquemment prescrits chez les personnes anxieuses insomniaques a pour effet de potentialiser l’effet du GABA, une hormone qui calme le cerveau. Or, pour synthétiser du GABA, le magnésium et la vitamine B6 sont indispensables. De fait, améliorer l’action d’une hormone dont on manquerait ne pourra obtenir aucun effet. Si un patient est carencé en Magnésium et en Vitamine B6, la prise de benzodiazépines sera donc bien moins efficace que prévu. Un autre exemple serait celui du syndrome des jambes sans repos. On sait que ce trouble neurologique est lié à des perturbations des voies dopaminergiques et bien souvent à des carences en fer. Ainsi, une des voies d’amélioration, en plus des traitements classiques, pourra être une alimentation riche en fer et comprenant un apport important de protéines pour favoriser la synthèse de dopamine.
Dès que le sommeil devient problématique, il est fortement conseillé de consulter. En cas de trouble léger, un suivi micronutritionnel pourra parfois suffire à rééquilibrer le sommeil. Dans le cas de troubles plus importants ou de pathologies avérées, la micronutrition pourra être un excellent soutien des traitements traditionnels.
Par Audrey Charial, nutritionniste et micro-nutritionniste